La montée de l’automatisation industrielle : quel impact pour les économies africaines ?
À l’aube de 2040, l’Afrique est confrontée à une transformation économique majeure portée par l’automatisation industrielle. L’évolution rapide des technologies d’automatisation, notamment la robotique, l’intelligence artificielle (IA), l’internet des objets (IoT) et l’impression 3D, bouleverse les chaînes de production mondiales. Ces innovations affectent le positionnement des pays africains dans l’économie mondiale, posant à la fois des défis de taille et ouvrant des opportunités inédites pour la diversification et la montée en gamme des économies du continent.
Selon le rapport 2023 de la Banque africaine de développement (BAD), l’automatisation pourrait avoir un impact important sur le marché du travail africain, où plus de 60 % des emplois actuels sont susceptibles d’être transformés ou remplacés par des machines d’ici les deux prochaines décennies.
Les moteurs de l’automatisation dans les économies africaines
Traditionnellement en retrait en matière d’industrialisation, de nombreux pays africains amorcent aujourd’hui une nouvelle ère marquée par l’adoption progressive des technologies avancées. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance :
- Le coût décroissant des technologies : Les progrès dans la robotique et les logiciels d’automatisation ont réduit les coûts d’acquisition, rendant ces outils accessibles à des pays à revenu moyen ou faible.
- La pression concurrentielle mondiale : Les entreprises africaines, pour rester compétitives, doivent améliorer leur productivité et intégrer de nouvelles normes technologiques dans les chaînes de valeur globales.
- Le besoin de transformation structurelle : L’automatisation est perçue comme un levier pour compenser les déficits en infrastructures et les lacunes en compétences techniques.
- Les partenariats internationaux : Des programmes de coopération avec des pays comme la Chine, l’Inde ou l’Allemagne facilitent le transfert de technologies et accompagnent cette mutation industrielle.
Le panorama sectoriel de l’automatisation en Afrique
Si l’automatisation progresse de manière inégale selon les pays et les secteurs, plusieurs domaines clés se détachent :
- Le secteur minier : En Afrique du Sud, les grandes compagnies minières comme Anglo American ou Sibanye-Stillwater expérimentent des technologies d’extraction automatisée afin de réduire les risques humains et optimiser la production.
- Le secteur agricole : Avec près de 60 % de la population africaine active dans l’agriculture, les technologies d’« agri-tech » (capteurs intelligents, drones, systèmes d’irrigation automatisés) commencent à transformer les méthodes de culture, notamment en Égypte, au Kenya et au Rwanda.
- L’industrie manufacturière : Au Maroc, en Tunisie et en Éthiopie, des zones industrielles intégrées commencent à accueillir des installations semi-automatisées orientées vers l’exportation, en particulier dans les domaines du textile, des composants électroniques et de l’automobile.
- La logistique et le commerce : Des centres logistiques automatisés émergent, particulièrement au Nigeria et au Sénégal, pour soutenir l’essor du e-commerce continental porté par des entreprises comme Jumia ou Kobo360.
Les enjeux du marché du travail face à l’automatisation
Le principal défi posé par l’automatisation reste son impact sur l’emploi. Selon une étude conduite par McKinsey Global Institute (2022), jusqu’à 85 millions d’emplois dans le monde pourraient être remplacés par des technologies d’ici 2030, mais 97 millions de nouveaux rôles pourraient être créés, requérant de nouvelles compétences. En Afrique, cela représente un paradoxe : l’automatisation menace des millions d’emplois peu qualifiés, alors même que le continent connaît une explosion démographique avec une population active estimée à 1,1 milliard d’individus d’ici 2040 (ONU, 2023).
D’où l’importance cruciale des politiques publiques tournées vers :
- La requalification des travailleurs par des programmes de formation technique et numérique adaptés.
- L’encouragement à l’entrepreneuriat innovant dans les secteurs technologiques émergents.
- Le renforcement des systèmes éducatifs pour inclure les compétences STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques) dès le secondaire.
Plusieurs initiatives locales s’efforcent d’anticiper ces mutations : le Rwanda Coding Academy, l’université Mohammed VI Polytechnique au Maroc ou encore la stratégie Ghana Digital Transformation Policy (2021-2025) visent explicitement l’adaptation des systèmes de formation à l’économie numérique.
Les opportunités pour la transformation économique et industrielle
L’automatisation, bien vue comme une menace, peut également favoriser l’émergence d’un modèle de développement endogène et durable. Elle ouvre la voie à la création de nouveaux secteurs économiques à forte valeur ajoutée et à la montée en gamme de la production industrielle.
En intégrant des technologies automatisées, les pays africains peuvent espérer :
- Améliorer la qualité et la compétitivité de leurs exportations.
- Réduire la dépendance aux matières premières brutes.
- Stimuler la création de zones industrielles intelligentes orientées vers les marchés régionaux et globaux.
- Renforcer l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales, notamment dans les secteurs pharmaceutique, agroalimentaire et automobile.
Le Plan d’Action pour la Mise en Œuvre de la Zone de Libre-Échange Continentale africaine (ZLECAF) identifie clairement l’automatisation comme un levier pour stimuler les exportations intra-africaines et renforcer l’autosuffisance productive du continent.
Un futur à façonner avec précaution et ambition
L’automatisation industrielle en Afrique n’est pas un processus uniforme. Sa réussite dépendra de la capacité des États à anticiper ses effets, encadrer la transition numérique et s’appuyer sur des partenariats stratégiques. À ce titre, les politiques industrielles doivent être repensées pour intégrer l’innovation technologique comme pilier central.
Enfin, une attention particulière doit être portée à l’inclusivité : la transformation du tissu économique africain passera nécessairement par une réduction des inégalités d’accès à l’éducation, à l’énergie et au numérique. Il s’agit de s’assurer que l’automatisation ne laisse pas la majorité en marge, mais soit au contraire un catalyseur pour une industrialisation plus équitable, résiliente et orientée vers un développement durable à l’horizon 2040.